Fausse primaire, mais véritable plébiscite
15 août 2011 par Patrick
On était en droit de se demander pourquoi Cristina avait choisi d’organiser une primaire ouverte dans tout le pays, pour, disait-on, empêcher les petits candidats de venir polluer les prochaines élections présidentielles.
Les sondages la donnaient gagnante au premier tour, d’autant que les règles électorales argentines pour la présidentielle considèrent la majorité acquise à 45 % des votants et même à 40 % si le premier des opposants n’atteint pas 30 %.
À moins qu’elle ne crût pas à ces sondages habituée depuis 8 ans à falsifier tous les chiffres du pays, inflation, chômage et taux de pauvreté, la manoeuvre semblait assez inutile.
Les scandales pour corruption qui s’accumulent depuis 8 ans, la fortune présidentielle qui se multiplie tous les ans pouvaient peut-être faire douter d’un résultat positif.
D’un autre côté l’incapacité de l’opposition à se réunir sous une même bannière, l’absence même d’une forte personnalité capable de mettre en place une logique de confrontation avec un programme défini constituait un terreau fertile au populisme en place depuis 8 ans.
En analysant bien les choses, cette victoire de Cristina, plus de 50 % des voix dans tout le pays, va lui permettre d’asseoir une autorité qu’à l’intérieur même de son parti certains voudraient déjà partager avec elle.
Tout d’abord la CGT, enfant gâté du Kirchnérisme, plus fort que jamais et qui demande depuis quelques mois un rôle politique qu’on lui refuse.
Ensuite de tous ceux, parmi ses amis et compagnons, qui rêvent de la remplacer à l’issu de son prochain et dernier mandat selon la constitution. C’est qu’ils sont nombreux à rêver, à espérer, prêts à tout, même au pire pour être considérés comme les candidats naturels à sa succession.
Le fait de pouvoir s’affranchir de ces obligations et alliances est sans doute positif. Je dis sans doute, car je n’en suis pas sûr, le pouvoir absolu, sans opposition dans le pays et dissidences dans sa propre majorité n’est pas le meilleur moyen de gouverner de manière démocratique surtout lorsqu’on n’y est pas enclin.
Et je ne doute pas que ses larmes ne soient pas sincères : l’émotionnel mijote toujours aux petits oignons dans notre sous-continent, y compris chez nos chers, très chers dirigeants. Car, c’est certain, nous avons affaire à une midinette et non à un crocodile, fût-il femelle.
C’est vrai que vu de l’extérieur, et pour ne pas avoir connu l’argentine sans un Kirchner à sa tête, je me dis que ça ne va pas si mal que ça.
Je vais peut être avancer un argument démago mais quand même, on dirait que c’est finalement pas plus mal d’être blacklisté par les marchés financiers ces temps-ci.
Bon c’est peut être violent sur le coup, mais vous avez finalement retrouvé un niveau d’endettement qui ferait rêver les grecs (et les français…).
Pauvres Grecs, qu’ils aimeraient tellement pouvoir renvoyer les liquidateurs du FMI à Washington comme Kirchner avait eu le mérite de le faire. Il paraît que sous Menem, le FMI citait l’Argentine comme modèle à suivre pour tout les pays boulimiques.
Votre balance extérieure est semble t-il bonne, et pas seulement à cause du soja, puisque l’industrie participe aussi à votre croissance en ce moment.
Je ne dis pas que tout est nominal, mais il y a quand même suffisamment de voyants au vert pour justifier la victoire de Cristina.
Après bon, la forme, l’enrobage, ça reste du Péronisme c’est sûr… le populisme, le clientélisme tout ça…
Oui Paul, il y a du vrai dans ce que vous dîtes. Certains conseillent d’ailleurs aux Grecs et autres pays endettés européens d’adopter la solution argentine.
Quelle est-elle exactement ? Tout d’abord, se séparer du dollar (ou bien de l’Euro), créer un processus de démondialisation (seulement en ce qui concerne les importations pas les exportations), se constituer un coussin économique avec les excédents, stimuler la consommation intérieure, augmenter les salaires et faire construire et assembler sur place les biens de consommation.
Lorsqu’on regarde les chiffres du ministère des Finances, on a envie d’applaudir. Sauf que l’Argentine ment délibérément sur une partie de ses statistiques, en particulier sur ceux de l’inflation.
7 à 8 % d’inflation par an comme annoncé, ce serait parfait. Hélas, la réalité est tout autre. Depuis 2007 on tourne autour de 25 %. Ces trois dernières années cumulées, c’est 100 %.
Si on ajoute cela à une corruption des élus du premier au dernier, des règles du jeu qui changent à tout moment en fonction de la conjoncture et qui empêchent des investissements sérieux et à long terme ce n’est pas rassurant.
Inutile de préciser que ce protectionnisme n’est pas officiel, s’il le devenait l’Argentine aurait de sérieux problèmes avec l’OMC.
L’augmentation des salaires de 25 à 30 % par an commence aussi à poser des problèmes sérieux, d’autant que la productivité est on ne peut plus basse.
La facture de tout cela arrivera après les élections, vraisemblablement une sérieuse dévaluation de la monnaie.
Merci Patrick pour votre avis toujours étayé et lucide. Effectivement, tel que vous la décrivez, la situation tient plus de la bulle…
Pourquoi la dévaluation n’a pas été encore envisagée? Qui est ce qui fait blocage? C’est juste une question de timing par rapport aux élections?
Dévaluer c’est un vilain mot ici. Si on avait laisser flotter le pesos avant la crise de 2002, le choc aurait été moins brutal.
C’est une question de timing, avec 50 milliards de dollars à la banque centrale, on peut facilement résister à la pression. Par contre la concurrence internationale et même régionale va obliger l’Argentine à dévaluer pour sauver ses exportations. Après les élections bien sûr.
Sur les matières premières, certains pays européens qui se considèrent floués par la PAC sont déjà tentés par les prix de l’Argentine et autres du fameux groupe de Cairns.
Que ne le seront ils moins si vous dévaluez encore?!?
En supposant bien sûr que l’euro ne s’effondre pas en parrallèle 🙂
le coût des matières premières restera stable, mais les coûts de production, en particulier les salaires, vont diminuer. Pour être encore plus précis sur le plan régional le réal est lui aussi surévalué et dévaluation brésilienne entrainera obligatoirement celle du pesos.
Le Brésil, ne soyons d’ailleurs pas dupe, utilise la même démarche économique que l’Argentine mais il maitrise mieux son inflation et le fait moins brutalement.
Je me réfère toujours à l’Argentine de 2008, et je ne doute pas que les salaires aient effectivement doublé depuis, le malheur est plutôt que la productivité des argentins n’a pas dû en faire autant (surtout celles des porteros d’ailleurs-vous m’aviez vraiment fait rire dans un précédent article qui leur était consacré).
Il est fini le temps où les Argentins étaient les seuls interlocuteurs du « primer mundo » sur leur continent. C’est maintenant le Brésil qui fait la politique monétaire de tout le continent, et d’après ce que vous décrivez et de ce que j’ai pu voir, les argentins, si méridionaux et au bout du monde, ont toujours du mal à intégrer le principe de compétitivité.
Eh bien, les réductions de salaires pas pour tout de suite:
http://www.lanacion.com.ar/1401161-hubo-acuerdo-por-el-salario-minimo
C’est sûr que le système se mort la queue quand d’un côté on dit que l’inflation est à 8% par an et que de l’autre on consent à augmenter le salaire minimum de 25%…alors je me disais qu’il n’avait peut être pas été réévalué depuis belle lurette? Après une brève recherche je tombe sur cette page édifiante de wikipedia:
http://es.wikipedia.org/wiki/Anexo:Salario_m%C3%ADnimo_en_Argentina
Pas besoin d’aller chercher plus loin les véritables chiffres de l’inflation.
Je croix qu’on peut aussi vérifier que les hausses les plus importantes ont souvent lieu à la veille d’élections.
C’est une question de timing, avec 50 milliards de dollars à la banque centrale, on peut facilement résister à la pression. Par contre la concurrence